Le blog de la FFVE inaugure un nouvel épisode de sa rubrique « Les Caisses de… » en rendant hommage à une figure incontournable de la bande dessinée franco-belge : Tintin.
Grâce à François de Dardel, passionné de l’univers d’Hergé et créateur d’un site entièrement dédié aux véhicules présents dans les aventures du célèbre reporter, c’est tout un pan du patrimoine automobile imaginaire qui ressurgit. Entre réalisme documentaire et clins d’œil stylistiques, la voiture devient, chez Tintin, bien plus qu’un décor : un personnage à part entière. Décryptage d’une passion au croisement du 9e art et de la mécanique.
En voiture avec Tintin : Quand Hergé mettait les gaz !
Tintin, reporter intrépide, a parcouru le monde à pied, en avion, en train… et surtout en voiture ! Si les automobiles ne sont jamais bien loin dans ses aventures, ce n’est pas un hasard. Leur présence est le reflet de la passion d’Hergé pour l’automobile et de son souci du réalisme. Pas moins de 216 modèles identifiables* apparaissent dans les albums, rendant hommage aux marques et aux designs de leur époque. Alors, attachez vos ceintures et plongeons ensemble dans l’univers des bolides de Tintin !
* (Il y a quelques camions, véhicules militaires, deux motos et un scooter, mais il reste donc environ 200 voitures).
Hergé, un dessinateur passionné d’automobile
Hergé se définissait comme « un type du siècle de l’auto, du béton armé et de la TSF ». Fasciné par les belles mécaniques, il ne manqua pas d’intégrer des véhicules ultraréalistes dans les Aventures de Tintin. Ce souci du détail l’amena à se constituer une vaste documentation et à représenter fidèlement des modèles de toutes marques.
Plus qu’une simple documentation, l’automobile faisait partie intégrante de la vie du dessinateur. Il posséda plusieurs modèles qu’il s’amusa à glisser dans ses albums. Ainsi, son Opel Olympia apparaît dans Le Sceptre d’Ottokar, sa Lancia Aprilia dans Tintin au pays de l’or noir et sa Porsche 356 bleue dans Coke en stock. Hergé poussa même la passion jusqu’à collaborer avec la Revue Ford, pour laquelle il illustra plusieurs articles entre 1937 et 1939.
Tintin, roi de la conduite (sans permis) !
Fait amusant : Tintin ne possède jamais de voiture ! Contrairement à Batman et sa Batmobile ou à Lucky Luke et Jolly Jumper, notre héros n’est attaché à aucun véhicule en particulier. Il saute au volant du premier engin venu, que ce soit pour fuir des poursuivants ou filer après un méchant en cavale.
Pourquoi ce choix scénaristique ? Selon le professeur Pierre Masson, « l’être de Tintin serait limité aux caractéristiques et aux performances d’un seul véhicule ». Pour rester libre et polyvalent, il est donc capable de tout piloter, du bolide de course à la jeep militaire, en passant par les taxis délabrés et les limousines luxueuses.
La voiture : un élément clé du scénario
Dans les premiers albums, la voiture est souvent un élément essentiel du récit. Elle permet à Tintin de poursuivre ses ennemis ou de s’échapper in extremis. L’utilisation de l’automobile y est intense et même risquée : 22 accidents sont recensés dans cette première période, dont 16 impliquent Tintin lui-même ! Tintin au pays des Soviets détient d’ailleurs un record : quatre accidents en un seul album !
Mais dans cette frénésie automobile, Tintin garde toujours le contrôle. Il sait exploiter les accidents à son avantage, simulant des collisions pour piéger ses ennemis ou utilisant des véhicules détruits pour improviser des moyens de locomotion. Un vrai as du volant !
Des voitures au service de la personnalité des personnages
Dans l’univers de Tintin, chaque voiture en dit long sur son propriétaire. Hergé utilisait les automobiles comme des prolongements de la personnalité des personnages :
- La 2 CV des Dupondt, bringuebalante et maladroite, colle parfaitement à leur caractère gaffeur.
- La 403 de la Castafiore incarne son côté bourgeois et un brin désuet.
- L’Ami 6 du docteur de Moulinsart renvoie l’image du médecin de campagne, rassurant et fidèle à ses habitudes.
- On aperçoit aussi dans “Coke en Stock” une Buick, une Chevrolet Bel Air ou une Mercedes-Benz 300.
L’héritage des voitures de Tintin
L’amour d’Hergé pour l’automobile continue de faire rêver les tintinophiles et les amateurs de voitures anciennes. En 2022, le musée Autoworld à Bruxelles a inauguré une exposition permanente consacrée aux véhicules de la série. Une immersion unique dans l’univers du jeune reporter, où le visiteur entre via une porte en trompe-l’œil en forme de la camionnette de la boucherie Sanzot.
L’automobile a été, et restera toujours, un acteur clé des aventures de Tintin. Qu’il s’agisse d’une Lincoln Zephyr filant à toute allure ou d’une Jeep bringuebalante dans le désert, chaque voiture est une porte ouverte sur l’aventure et l’évasion. Un voyage que nous faisons encore et toujours, à chaque relecture des albums. Alors, prêts à redémarrer ?
Quand l’automobile croise la route de la bande dessinée, naissent des passions aussi précises que poétiques.
François de Dardel en est l’un des plus beaux exemples. Ce passionné de Tintin, fin connaisseur d’histoire automobile, a créé un site unique en son genre : un répertoire exhaustif des véhicules présents dans les aventures du célèbre reporter à la houppette.
Au fil des albums, il traque avec minutie chaque détail, identifie les modèles, replace les voitures dans leur contexte, et éclaire d’un œil neuf le travail d’Hergé, maître du réalisme stylisé. Rencontre avec un homme pour qui la ligne claire ne s’arrête pas à la planche dessinée, mais roule aussi sur les routes du patrimoine mécanique.


François De Dardel
Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer un site entièrement dédié aux voitures dans Tintin ?
J’ai toujours été intéressé par les voitures, et Tintin a bercé mon enfance.
Comment avez-vous procédé pour identifier et référencer chaque modèle présent dans les albums ?
Comme j’ai tous les albums de Tintin je me suis simplement mis en tête de recenser les autos qui s’y trouvent.
Parmi toutes les voitures recensées, y en a-t-il une que vous affectionnez particulièrement ou qui vous semble emblématique de l’univers d’Hergé ?
Il y a deux autos qui me plaisent particulièrement : La Lancia Aprilia et la Buick Eight, toutes deux dans « Au pays de l’Or Noir ». En outre, une Citroën 15/Six (L’affaire Tournesol) dont j’ai possédé un exemplaire.
Selon vous, quel rôle joue l’automobile dans les aventures de Tintin ? Est-ce plus qu’un simple moyen de transport ?
Hergé aimait aussi les voitures. Il n’en a pas eu beaucoup, en raison de la guerre, mais il les affectionnait, notamment une Lancia Aurelia.
Avez-vous été contacté par d’autres tintinophiles, collectionneurs ou spécialistes de l’automobile ancienne à la suite de votre travail ?
Oui, j’ai eu des contacts avec de nombreux amateurs, qui m’ont parfois aidé ou corrigé et que je mentionne et remercie au bas de ma première page :
http://dardel.info/tintin/index.html#bas
À l’heure où les véhicules d’époque suscitent un regain d’intérêt et où la bande dessinée se réinvente sans cesse, le travail de François de Dardel rappelle combien les détails comptent. Grâce à lui, les voitures de Tintin ne sont plus de simples décors, mais les témoins roulants d’une époque, d’un style, d’une vision du monde.
À travers son site, c’est aussi une passerelle qui se crée entre passionnés de bagnoles et amoureux du neuvième art, entre mémoire graphique et patrimoine mécanique.
Un travail de fourmi, fait avec le cœur, qui mériterait presque… un clin d’œil de Tournesol !
Le blog vous encourage de voir sur son site
http://dardel.info/tintin/tout.html
http://dardel.info/tintin/pub.html
Véhicules inventés par le dessinateur
- Le cabriolet jaune dans lequel Tintin, Haddock et Tournesol prennent la fuite à la fin de L’Affaire Tournesol est basé sur une Citroën 15/6 carrossée par Chapron et utilisée par René Cotty et Charles de Gaulle – http://dardel.info/tintin/tout.html
- La limousine du général Tapioca qui transporte le capitaine Haddock à travers les rues de la capitale dans Tintin et les Picaros est une synthèse entre une Mercedes-Benz 600 et une ZIL 114, de sorte qu’elle représente le « croisement entre une voiture d’apparat capitaliste et une soviétique, fille des totalitarismes européens avec sa calandre [à moustache] héritée de Pleksy-Gladz », selon l’expression de Charles-Henri de Choiseul Praslin[24].