Retour vers le Futur 🤨
Le Cercle des Amis trouve intéressant de faire un article sur Stéphane Schwarz, designer visionnaire et amoureux de sa Fiat 500 ancienne, car il incarne la passion pour le design automobile classique tout en étant à la pointe de l’innovation.
Stéphane Schwarz, avec son regard expert et sa sensibilité pour les détails, offre une perspective unique sur l’héritage des véhicules anciens et leur place dans le monde moderne. Son attachement à la Fiat 500, un symbole iconique de l’automobile, illustre comment les classiques peuvent inspirer et influencer les tendances contemporaines du design.
Originaire de Bâle, en Suisse, Stéphane Schwarz a grandi en France avant de parfaire son éducation en Suisse, où il a obtenu son diplôme de l’Art Center College of Design/Europe. Son parcours éclectique et prestigieux le positionne aujourd’hui comme une figure incontournable du design automobile et industriel à l’échelle internationale.
Pininfarina, L’Éveil d’un talent polyvalent
Stéphane Schwarz a fait ses premiers pas marquants dans l’industrie chez Pininfarina, une référence en matière de design automobile, mais également dans les secteurs maritime, aérospatial et des transports publics. Il a contribué à des projets emblématiques tels que les concept-cars Ethos I Spider et Ethos II Aero Coupé, démontrant sa capacité à marier innovation et esthétisme.
Nissan, un Architecte du succès
En tant que Directeur du Design chez Nissan Design Europe, Stéphane Schwarz a supervisé des projets de pointe, allant des études avancées aux modèles de production. Il a joué un rôle crucial dans le développement du Qashqai, le crossover compact qui a battu des records de vente, tant pour le marché européen que japonais. Il a également été impliqué dans la conception de véhicules tels que la nouvelle Primera, le concept Kino et le NV200, tout en contribuant à des projets de stratégie aussi bien pour Nissan que la marque premium Infiniti. Son influence s’est même étendue à la publicité, devenant le visage de la marque dans de nombreux spots publicitaires en Europe et au Japon.
Royal College of Art, un mentor inspirant
De 2006 à 2011, Stéphane Schwarz a partagé son expertise en tant que professeur invité au Royal College of Art de Londres. Il a inspiré de nombreux étudiants en design grâce à ses interventions régulières et l’organisation de projets sponsorisés avec différents constructeurs, façonnant la prochaine génération de créateurs.
Zagato, la fusion de l’Art et de l’Automobile
Chez Zagato, en tant que Directeur du Design, il a dirigé des projets d’automobiles de collection d’où naîtrons des modèles uniques ou en séries limitées en collaboration officielle avec des constructeurs tels que Aston-Martin, Lamborghini. Son travail ne se limite pas aux automobiles, touchant également à l’architecture, au branding, à l’expérience utilisateur (UX/UI) ainsi que le product design, mettant en lumière son approche holistique du design.
StephaneSchwarzStudio, l’Artisanat au service du luxe
Aujourd’hui, Stéphane Schwarz dirige son propre studio, StephaneSchwarzStudio, où il continue d’explorer de nouvelles frontières du design dans les segments du luxe et des produits de grande consommation. Son expertise s’étend des voitures haut de gamme aux produits maritimes et aérospatiaux, en passant par des objets du quotidien, toujours avec un souci du détail et une passion pour l’innovation.
Stéphane Schwarz incarne une vision unique du design, où chaque création est une œuvre d’art mêlant fonctionnalité et beauté. Son parcours, riche et diversifié, fait de lui un acteur clé dans l’univers du design contemporain, un véritable pionnier qui continue de repousser les limites de l’imagination et de l’innovation.
10 questions à Stéphane Schwarz de StephaneSchwarzstudio
Vous êtes reconnu pour vos conceptions innovantes et modernes. Comment en êtes-vous venu à vous passionner pour une voiture aussi classique que la Fiat 500 ?
J’ai passé mon enfance à Bordeaux où des amis italiens de mes parents possédaient une 500 rouge. Nous nous rencontrions régulièrement avec leurs enfants et immanquablement nos mères nous proposaient d’aller faire un tour en ville, conduite à l’italienne garantie, la réactivité vive du moteur ainsi que son bruit si distinctif m’attiraient beaucoup et me mettaient à chaque fois le sourire aux lèvres. C’était une voiture assez insolite en France, j’étais fasciné par sa forme, ses proportions et sa personnalité hors du commun. Des années plus tard, à peine diplômé et ma première embauche confirmée chez Pininfarina j’achetais dès mon arrivée à Turin une Fiat 500 bleu « diplomatico » ( sic), ma madeleine de Proust. ✨
Comment conciliez-vous votre passion pour la Fiat 500, une voiture classique, avec votre carrière axée sur la conception de véhicules futuristes et innovants ?
Conceptuellement la 500 reste pour moi une référence de design en termes d’innovation. En fait lorsqu’elle est conçue par Dante Giacosa en 1957 le projet est en rupture avec tout ce qui existe à l’époque, une architecture ultra-compacte, un plan de forme ingénieux avec une gestion de l’espace très efficace permettant de loger 4 personnes sans trop sacrifier l’ergonomie de base, avec même un petit coffre avant, tout cela pour créer la plus petite voiture du monde, quelques années avant la naissance de la Mini.
Voyez-vous des parallèles ou des contrastes marquants entre les deux ?
Il y a deux aspects de la 500 qui m’inspirent dans mon métier. Tout d’abord à mes yeux la mission d’un designer est avant tout d’identifier des besoins futurs avant l’heure et d’y répondre avec des solutions tangibles aussi bien en terme d’architecture, de fonctionnalité que de style, et à ce titre la 500 est un excellent exemple de cette démarche avec un cahier des charges qui invite le concepteur à remettre en cause beaucoup de préjugés de l’époque concernant la conception d’une automobile, ce qui se traduit par une nouvelle approche de l’objet qui fait naître un segment qui n’existait pas jusque là. Ensuite, c’est l’expression qui se dégage du dessin de la voiture que je trouve très pertinente aujourd’hui. La tendance de design récente influencée par l’électrification et la digitalisation génère parfois des nouveaux modèles au style trop agressif et robotique qui frôlent la caricature et qui sont très répétitifs. Je pense qu’il y a en ce moment un vrai défi pour nous les designers de créer des designs qui allient avec un meilleur équilibre l’innovation, un nouveau parfum futuriste avec des lignes visuellement moins intrusives et chargées. La 500 transmet une image inclusive, naturelle et avenante, des valeurs que je trouve très modernes à notre époque et que j’ai envie de promouvoir dans mes créations futures.
Pensez-vous que la Fiat 500 a influencé votre vision du design automobile ? Si oui, comment ?
Dans la genèse du projet Nuova 500 il y a cette idée fondatrice d’essentialité, de simplification, le maximum pour le minimum, et pour un designer pouvoir restituer autant avec aussi peu c’est le Graal. Cette pensée retranscrite aux défis environnementaux de notre époque est d’une grande pertinence et devrait nous guider à tous dans le secteur automobile aujourd’hui. Certes il serait naïf de comparer une voiture de 1957 avec les impératifs de sécurité active et passive en 2024 et bien d’autres contenus à bord sont aujourd’hui cruciaux pour convaincre le client, néanmoins je pense que notre secteur a besoin d’une profonde refonte de son modèle industriel, dans une optique de réduire et simplifier les éléments qui constituent l’objet automobile. C’est déjà le cas avec les initiatives actuelles des constructeurs et de la chaine des fournisseurs mais l’effort est encore bien trop timide pour affronter les impératifs futurs.
Pouvez-vous partager une anecdote ou une expérience particulière liée à votre Fiat 500 ?
Mes nouveaux collègues à Turin m’avaient fortement mis en garde contre un gang de voleurs de Fiat 500 qui sévissait à l’époque en Italie et qui les revendait au Japon où la voiture était très prisée. On m’avait donc conseillé de ne pas faire repeindre sa carrosserie ternie afin de ne pas attirer l’œil de ces malfaiteurs potentiels et pouvoir continuer à l’utiliser au quotidien. Ma 500 ne fût donc restaurée qu’à mon départ de l’Italie pour l’Allemagne où je devais rejoindre le nouveau studio de design de Nissan Europe à Munich. Un des designers me demandera alors d’utiliser ma Fiat 500 comme voiture de son mariage et les deux mètres de haut de mon nouveau collègue et la longue traine de robe de mariée de sa nouvelle épouse prirent place à bord à la sortie de l’église bavaroise sans problèmes.
Quels éléments spécifiques de la Fiat 500 vous ont séduit, au point de la garder si longtemps ?
C’est avant tout pour moi son volume général qui est très bien maîtrisé avec un grand équilibre sous tous les angles malgré sa réduction extrême. Les surfaces fluides et adoucies sont à la fois simples et sophistiquées par les accélérations des volumes et la beauté des sections. Les galbes de la masse ne sont pas seulement beaux mais renforcent aussi la rigidité structurelle de l’ensemble. Ce projet industriel réussit la performance d’allier à merveille technologie et émotion, fonctionnalité et style, et le résultat est tout simplement très charismatique, la personnalité qui s’en dégage est espiègle, sympathique, romantique et désinvolte, sans connotation sociale, c’est le reflet d’une époque charnière de l’Italie qui entre dans l’ère moderne avec enthousiasme et liberté. Essentielle non seulement dans son esthétique mais aussi par sa conception c’est un objet culte de design à ce jour encore. Il n’y rien à l’extérieur et l’intérieur de cette voiture qui me déplaise, si ce n’est la position du réservoir d’essence à l’avant peu rassurante.
Votre vision sur l’évolution des voitures de collection dans un monde où les technologies et les réglementations évoluent rapidement ?
L’automobile est un des objets les plus intimes de nos vies et à travers son histoire a été le catalyseur de nos inventions techniques, technologiques, notre style de vie, notre économie et politique. Ce patrimoine très riche n’ai donc pas seulement celui d’une poignée de passionnés comme nous mais celui de tout un chacun et à ce titre elles méritent d’être protégées pour notre mémoire collective. Parallèlement notre relation à l’auto évoluera à l’avenir avec la remise en question du concept même de propriété, les restrictions d’accès aux centres urbains toujours plus sévères ou la digitalisation de la conduite, autant de paramètres pour les générations futures qui pourraient avoir un rapport affectif plus détaché avec la voiture tout en conservant de grands besoins de mobilité. In fine j’ai tout de même l’impression que face à la globalisation et une consommation toujours plus formatée le public éprouvera toujours une forte attraction pour le romantisme qui se dégage des voitures d’époque, et il est d’ailleurs intéressant de voir combien dans le monde de la mode ou de la musique se plait à les utiliser régulièrement dans leurs communications visuelles.
Comment décririez-vous votre style de conception et comment se distingue-t-il dans l’industrie automobile ?
Je ne sais si mon travail se distingue mais depuis mes études à l’ Art Center College of Design puis dans l’industrie j’ai toujours trouvé assez sain en tout cas de distinguer le style du design, ce dernier ne se cantonnant pas juste à créer une esthétique agréable mais une adéquation entre forme et fonction, avec simplicité. L’idée demande un sens critique assez développé dès les premiers coups de crayon et un dialogue constant avec la technique. C’est cet équilibre que je recherche, ce qui explique certainement pourquoi j’ai accepté de travailler avec Pininfarina ou Zagato et que côtoyer la culture japonaise avec Nissan a eu un profond impact sur mes choix créatifs, à la recherche d’une élégance naturelle dans la résolution finale.
Que pensez-vous du programme TRANSMISSION DES SAVOIRS de la FFVE ?https://www.ffve.org/Transmissions-des-savoirs
Cette initiative de la FFVE est excellente, l’artisanat de pointe dans des domaines très spécialisés a un grand futur je pense, en complément de la haute technologie. Par extension je dirais que les débouchés des compétences du programme ne devraient pas se limiter au sérail des véhicules d’époques mais aussi à la réalisation des projets de l’industrie car elles sont complémentaires. Je déplore qu’aujourd’hui ce savoir se perd sur notre continent alors que les besoins demeurent. Il y a encore quelques réalités isolées qui perdurent en Europe, notamment en Italie ou en Angleterre mais dans mon secteur je vois l’industrie fréquemment sous-traiter en Asie des réalisations dont les compétences sont nées en Europe. Je pense que le système académique français privilégie excessivement par défaut des études universitaires et ne valorise pas assez ces métiers nobles et irremplaçables qui peuvent procurer beaucoup de satisfactions à de nombreux jeunes. Le programme de la FFVE mérite donc toute l’attention de la collectivité.
Quels conseils donneriez-vous a un jeune qui décide de se lancer dans le design voiture ?
Devenir designer c’est avant tout une passion qui nait souvent très tôt et je pense qu’il est plus porteur à l’avenir de se positionner dans la mobilité plutôt que strictement dans l’automobile. Je conseille toujours de dessiner beaucoup et régulièrement, expérimenter le plus possible avec les outils numériques, être curieux de toutes les formes créatives et appréhender le tout avec joie sans craindre de remettre en cause les conventions. Concernant la formation académique il existe beaucoup de programmes proposés mais seul un nombre restreint d’instituts délivrent un cursus qui colle aux attentes de l’industrie.