On innove !
nouvelle rubrique
la muse du musée
Bienvenue dans un tout nouveau voyage à travers l’histoire sur quatre roues ! “La Muse du Musée” est bien plus qu’une simple rubrique, c’est une invitation à remonter le temps au volant des véhicules emblématiques de notre passé. Sous la plume captivante de Thierry Le Gall, chaque édition vous emmène à la découverte des trésors cachés des musées de véhicules anciens, en commençant par ceux qui sont membres de la FFVE.
Laissez-vous transporter dans un univers où les voitures ne sont pas seulement des machines, mais des témoins silencieux de nos époques révolues. De la puissance brute des premières automobiles aux lignes élégantes des voitures de collection, chaque musée est une fenêtre ouverte sur le passé, où chaque véhicule raconte une histoire unique.
Plongez dans les anecdotes fascinantes, les secrets mécaniques et les récits passionnants qui donnent vie à ces trésors de métal et de chrome. Que vous soyez un passionné d’automobiles ou simplement curieux de découvrir le patrimoine roulant de notre monde, “La Muse du Musée” vous promet une aventure inoubliable à chaque numéro.
Alors, prêts à démarrer le moteur de la nostalgie et à explorer les routes sinueuses de l’histoire automobile ? Attendez-vous à des virées pleines d’émotions et de découvertes inattendues dans cette nouvelle rubrique qui célèbre la passion intemporelle pour les voitures anciennes.
Musée Matra à Romorantin-Lanthenay, la Matra MS 650 « Tour de France »
Par © Thierry Le Gall
Dans cette rubrique, il ne s’agit pas de présenter l’ensemble d’un musée, ni même une petite sélection, mais au contraire de se concentrer sur une seule voiture. Le choix est forcément subjectif, mais c’est une auto qui sort de l’ordinaire, elle peut être rare ou unique, et elle raconte une histoire. Pour le Musée Matra, j’ai choisi la MS 650 « Tour de France ».
Pourquoi elle ?
Matra est une marque venue quasiment de nulle part, avec une vie plutôt courte, qui ne produira pas de sportive extrême, mais qui reste pourtant dans la mémoire de tous les amateurs d’automobiles pour ses succès sportifs, tant en Formule 1 (nombreuses victoires en Grand Prix et un titre de Champion du monde) qu’en Sport Prototype (Champion du monde aussi et plusieurs victoires aux 24 Heures du Mans). Matra a aussi remis la France dans le paysage du sport automobile au plus haut niveau et permis l’éclosion de toute une génération de pilotes. Donc la Muse ne pouvait être que l’une de ces glorieuses championnes. La MS 650 « Tour de France » sort d’un lot pourtant déjà bien relevé par son aventure improbable.
Le Tour Auto
Le Tour de France Auto, ou plus simplement le Tour Auto pour ne pas risquer de le confondre avec celui à vélo, est une épreuve originale qui mélange courses de côte et circuits tout au long d’un périple d’une semaine à travers la France. S’il existe aujourd’hui sous la forme d’une course de voitures historiques, dans les années cinquante à soixante-dix, c’est une pure épreuve de vitesse, un rallye grand format, où s’illustrent notamment les Ferrari 250 GT et 250 GTO. Après une courte interruption après l’édition 1964, il est relancé en 1969, et pour attirer plus de concurrents, les organisateurs décident en 1970 de l’ouvrir aux Prototypes qui courent le Championnat du Monde des voitures de Sport, principalement des sprints sur circuits de 6 heures ou 1000 km, en plus des 24 Heures du Mans qui ont toujours été l’épreuve phare de ces championnats. Le Tour Auto 1970 se déroule du 19 au 27 septembre, et comprend 8 étapes, avec 10 courses de côte, 9 circuits et 1 secteur chronométré. Partant de Bandol pour terminer à Nice, il passe par Albi, Pau, La Baule, Rouen, le Ballon d’Alsace, le Mont Dore et Aix les Bains, un vrai Tour de France ! Au total donc, un marathon de plus de 4 500 km avec 1 200 km d’épreuves de classement. Matra, qui n’a pas encore triomphé au Mans, y voit l’occasion de se montrer au grand public partout en France. Le choix se porte sur la MS 650, une barquette ouverte qui a couru la saison d’endurance 1969 et une partie de la saison 1970. Après les 24 Heures du Mans 1970, la MS 650 est remplacée par la MS 660, et se trouve donc disponible pour une nouvelle aventure. L’idée paraît quand même assez saugrenue et risquée de mettre ces bêtes de circuits sur les petites départementales sinueuses. La MS 650 est la dernière Matra à châssis tubulaire, ce qui implique des pontons assez volumineux, et donc un espace intérieur réduit. Or un rallye signifie équipage, pilote et copilote. Si ces voitures sont réglementairement des biplaces (par opposition aux F1 monoplaces), le siège passager reste plutôt théorique. Il est envisageable d’installer un semblant de siège pour un ou deux tours de piste à (très) fortes sensations, mais pas pour un voyage de 4 500 km ! Si les amateurs se réjouissent de pouvoir entendre le V12 Matra hurler sur les circuits et dans la campagne, il faut bien reconnaître que la majorité est plutôt sceptique et se demande comment l’auto et son équipage résisteront à l’épreuve (dans tous les sens du terme).
Les Equipages
Pour piloter ses 2 autos, Matra choisit ses pilotes habituels, Jean-Pierre Beltoise, Patrick Depailler, Henri Pescarolo et Jean-Pierre Jabouille, donc que des spécialistes circuit ! Il y a 2 pilotes par voiture car Beltoise et Pescarolo ne peuvent pas prendre le départ, ils doivent rentrer du Grand Prix du Canada de F1. Jean Todt est engagé comme copilote de Beltoise et Depailler, tandis que Johnny Rives, journaliste et copilote complète le 2ème équipage. Si Jean Todt est sans doute plus connu aujourd’hui pour ses nombreux titres de Champion du monde à la tête des équipes Peugeot en endurance et en rallye puis Ferrari en F1, ou comme Président de la FIA, il était dans les années soixante-dix l’un des copilotes les plus réputés dans le monde des rallyes. Il participera à l’adaptation de la MS 650 à un rallye, notamment pour l’aménagement de l’habitacle.
La Matra MS 650 « Tour de France »
La MS 650 subit quelques modifications pour affronter ce nouveau challenge. La carrosserie est relevée de quelques centimètres, les porte-à-faux sont réduits pour faciliter l’agilité sur les petites routes, les suspensions sont légèrement assouplies pour absorber les bosses, dos d’âne et autres irrégularités des routes. Des ventilateurs électriques supplémentaires permettront de refroidir le moteur à basse vitesse car la voiture devra rouler plusieurs milliers de km sur les routes de liaison, traverser villes et villages et subir les embouteillages. Deux phares longue-portée sont prévus sur le capot avant, ils seront installés ou enlevés suivant le type d’épreuve. L’arceau de sécurité est modifié pour protéger aussi le copilote. Par ailleurs, pour participer au rallye, les MS 650 doivent être immatriculées puisqu’elles rouleront sur des routes ouvertes entre les sections chronométrées. Ceci impose quelques contraintes légales, et notamment de disposer d’un compteur de vitesse (les voitures de course n’en sont pas équipées), également utile pour surveiller la vitesse. En effet, les pilotes doivent respecter les limites en vigueur (encore peu nombreuses à cette époque, hormis en agglomération) sur le parcours de liaison. Comme il faut un compteur compatible avec les (très) hautes vitesses de l’auto, les 2 Matra seront équipées avec des tachymètres provenant de Lamborghini Miura, l’un des seuls disponibles gradué jusqu’à 300 km/h ! On voit bien le taureau de Sant’Agata Bolognese au centre du compteur (voir photo du cockpit et de l’instrumentation du copilote). On peut voir sur ces photos que d’autres instruments et voyants ont été ajoutés, notamment les interrupteurs d’éclairage code et longue-portée, et un klaxon qui n’existe évidemment pas sur les protos du Mans ! C’est donc le copilote qui est en charge de ces actions, et aussi de la surveillance des températures et pression d’huile et de la charge de la batterie. Il a fallu aussi installer un système audio pour la communication entre pilote et copilote, tenant compte que la voiture est ouverte et que le moteur chante fort ! En 1970, pas de GPS, pas de roadbook électronique, tout est « papier ». Le roadbook sera donc plastifié, et Jean Todt fait positionner une boite à cartes dans le creux entre la portière et le châssis. Le défi semble complexe, mais les voitures sont très bien préparées et Beltoise-Depailler-Todt s’imposeront sans coup férir, Matra réalisant le doublé. Ils ne connaitront qu’une petite alerte mécanique vite réglée par l’assistance. Gérard Larrousse, spécialiste du Tour Auto, vainqueur en 1969 sur Porsche 911 sera relégué à plus de 35 minutes ! Il prendra sa revanche en 1971 puisque Matra l’engage pour sa 2ème (et dernière) participation au Tour Auto) et qu’il l’emporte. La voiture exposée au Musée Matra est le châssis 03, la gagnante du Tour Auto 1970, avec son numéro 146 d’origine.
Caractéristiques techniques de la MS 650 N° de châssis 03
Moteur MS12, 12 cylindres en V en aluminium, 2 992 cm3, 4 soupapes par cylindre
430 ch à 10 500 tr/mn
Vitesse maximum : 325 km/h
Transmission manuelle ZF à 5 rapports synchronisés
Longueur : 4,20 m, largeur : 1,94 m, hauteur : 0,77 m, empattement : 2,440 m
Poids : 740 kg
Châssis multitubulaire en acier, carrosserie en fibre de verre
Pneus : Dunlop
Le Musée Matra
Le Musée Matra est ouvert depuis 2000 dans un bâtiment industriel datant du début du 20ème siècle proche du centre-ville de Romorantin et propriété de la ville. Le patrimoine de la marque constitue la majorité de la collection du musée, réparti sur environ 3000m2entre plusieurs salles et espaces, dédiés à différentes thématiques. On découvre ainsi l’épopée sportive, l’aventure industrielle et les réalisations du bureau d’études particulièrement innovant et avant-gardiste. Ne pas manquer la salle des moteurs pour entendre le feulement du V12.
Découvrez les collections du musée Matra et retrouvez toutes les informations pour le visiter : https://automobile-museums.com/musee-matra/
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